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jeudi 9 juin 2016

Une bouche sans personne

Une bouche sans personne, Gilles Marchand, 
Editions Aux forges de Vulcain, 
sortie prévue le 25 août 2016.


Argh! Je ne voulais pas vous en parler si tôt. Il ne sort que dans deux mois, la couverture sera jolie, il sera beaucoup mieux que la photo que je vous poste. Mais je ne peux pas attendre! Mes doigts me démangent de vous en parler. Je n'ai qu'une hâte qu'il sorte en librairie pour le conseiller. Alors à vos agendas, le 25 août sortira le premier roman solo de Gilles Marchand, et qu'est-ce qu'il est bien!!!!

J'ai commencé mes lectures pour la rentrée littéraire 2016. Je n'avais pas prévu de vous poster un article avant l'été, distiller progressivement les futures sorties, peu avant leur arrivée dans les librairies, pour que vous n'oubliez pas. Et puis j'ai lu Une bouche sans personne. Et je me suis pris une claque. J'ai ris toute seule dans le train qui me ramenait de Paris. J'ai sorti les mouchoirs et pleuré dans mon canapé. J'ai arrêté ma lecture et fermé les yeux pour rêver à mon tour dans mon transat. En moins de 200 pages Gilles Marchand m'a emmené dans son univers. Il m'a fait voyager dans le temps aussi.

Nous sommes en 1979. Dans un café parisien anonymes, trois hommes se réunissent tous les soirs pour jouer aux cartes, partager leurs solitudes et les sourires de Lisa la serveuse. Il y a Sam, pas bavard, divorcé. Il y a Thomas, écrivain et père de deux enfants qui n'existent pas. Et il y a le narrateur. Comptable. Il aime les chiffres car ils ne le jugent pas, ne détournent pas le regard quand ils croisent son visage. Son visage qu'il masque derrière une écharpe pour que personne ne voit la cicatrice qui le défigure. Pour que personne ne soit gêné par cette marque qu'il ne peut oublier. 
Au bout de 10 ans un accident de café va l'obligé à se dévoiler. Au bout de 10 ans ses compagnons vont lui demander ce qu'il cherche tant à cacher. Et il va commencer à se livrer. Un petit morceau chaque soir. Des souvenirs de son enfance avec son grand-père Pierre-Jean (sérieusement ce prénom même s'il est une blague est superbe). Pierre-Jean qui cherchait à rendre la vie plus belle, plus magique, plus poétique. Car face à la laideur et à la douleur, sans cesse présentes, il n'avait d'autres armes que le rêve et la fantaisie. 
Progressivement l'auditoire grandit, et le narrateur avance dans son récit. 
Progressivement, avec ses souvenirs, la fantaisie de son grand-père entre de nouveau dans sa vie. Progressivement le rêve et la magie se font la part belle dans les moments de vie quotidienne. 
Il y a des musiciens de rue, un trapéziste d'immeuble, un réverbère qui n'en peut plus de servir d'urinoir pour canidés, un tunnel en déchets, des soldats de plombs gardes barrières...
Il y a des insupportables qui coupent la parole, qui rompent le récit. Il y a des employés accro à la fontaine à eau. Un match de football télévisé pour ressouder une équipe d'entreprise....

Ce roman est vraiment fantastique. Il y a du Romain Gary, du Boris Vian, et du Amélie Poulain à l'intérieur. Gilles Marchand mêle avec brio les émotions. Passant de l'humour à la poésie, de la tristesse à l'éclat de rire, du souvenir personnel à l'Histoire, la grande.
Et quand on découvre de quelle douleur Pierre-Jean voulait guérir son petit fils, on prend une claque. 

Vraiment un gros gros coup de cœur pour ce roman.
C'est pas terrible de commencer par son chouchou de cette rentrée littéraire, je sais, mais j'avais tellement besoin de partager!

samedi 4 juin 2016

Roland est mort

Roland est mort, 
Nicolas Robin,
Editions Anne Carrière, 
250p, mars 2016.
Je n'avais rien qui ressemblait à une urne funéraire à la maison, et tant mieux!

Roland est mort, sans faire de bruit, sans que personne ne s'en rende compte, sinon son employeur au bout d'une semaine. Il a été retrouvé par les pompiers, dans sa cuisine, la tête dans la gamelle de son chien. A quelques mois de la retraite c'est moche. Son voisin, maintenant qu'il y pense se dit qu'il n'avait pas entendu Mireille Mathieu chanter "Paris en colère", depuis au moins une semaine. Mais ils n'avaient aucun contact.
Notre héro est un solitaire. Bientôt 40 ans, il vit seul, ne sort de chez lui que pour boire des Campari au troquet du coin, abandonné depuis longtemps par la femme qu'il aimait il se laisse aller. Pas de boulot, pas d'avenir. Des rapports compliqué avec sa famille, son seul plaisir c'est de regarder des porno pour passer le temps. Alors quand il récupère le caniche de Roland, Mireille, il cherche à s'en débarrasser. D'abord parce que ce chien est moche et sent mauvais, mais aussi parce qu'il ne doit rien à ce voisin qu'il ne connaissait pas.
Et quand une semaine plus tard on lui apporte l'urne et les cendres de Roland, dont il est l'héritier testamentaire, il se dit que vraiment, il faut qu'il se débarrasse de tout ça!

C'est un roman très drôle, bourré d'humour noir. Mais c'est aussi un roman touchant sur la solitude. On y croise beaucoup de personnages seuls. La mère du héros, dont le mari a perdu la boule et attends la chute d'une météorite, et la belle-mère, à sa charge, qui radote, se trouve bien seule dans son univers familial. Le héro. Mais aussi Roland, que personne ne connaissait, et qui a traverser la vie de manière totalement anonyme. Personne n'est capable de parler de lui, personne ne le connaissait. 
Il y a des scènes très drôles, rocambolesques. Un petit coup de cœur pour la soirée beuverie dans un troquet anonyme, avec des êtres seuls comme lui. 
C'est surtout la misère sociale qui est dépeinte ici. La difficulté à vivre dans une société qui veut une vie de famille, des enfants, un bon boulot épanouissant. Et des êtres qui se sentent jugés en permanence parce qu'ils ne cochent aucunes de ces cases.
C'est doux amer. 
C'est bien.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Nicolas Robin, et ses nombreuses répétitions qui donnent un rythme au roman.
Je ne dirais pas que c'est une pure merveille, mais c'est un bon roman sur notre société actuelle et sur le fait qu'il faudrait faire attention à ceux qui vivent à côté de nous.