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lundi 24 octobre 2016

Babybatch

Babybatch, Isabelle Coudrier, 
Seuil, janvier 2016
400p.


Alors là, me voici bien embêtée... Que dire de ce roman?
Du bien? Du mal? Je vais être obligée d'en dire les deux....

Isabelle Coudrier, que j'avais découvert et adoré avec J'étais Quentin Erschen est revenue discrètement en janvier, chez un nouvel éditeur, pour un nouveau roman. Je dis discrètement parce que j'étais totalement passée à côté. Et puis, histoire de me faire une petite pause dans la rentrée littéraire je me suis plongée dans son Babybatch
Babybatch c'est Benedict Cumberbatch, vous savez cet acteur britannique au charge ravageur qui nous envoûte avec brio dans son rôle de Sherlock Holmes dans cette série de la BBC. J'aime beaucoup la série, même si je ne connais rien sur la vie de Benedict. Enfin ça c'était avant. Avant de lire Babybatch
Dominique a 15 ans. Elle est française, vit dans une banlieue de province et est une FAN inconsidérée de Benedict Cumberbatch. Loin des critères de beauté des ados de son âge, elle voue un culte à cet acteur plus vieux, so british. Toute sa vie ne tourne qu'autour de l'acteur. Elle passe des heures à le traquer sur Internet. Apprend l'anglais pour comprendre ses interviews. Se passionne pour Shakespeare quand l'acteur est annoncé pour jouer Hamlet au théâtre à Londres. Peu à peu elle se coupe du monde, de ses amis qui lui tournent le dos. En même temps on peut les comprendre, a 15 ans Benedict Cumberbatch ne fait pas forcément rêver. 

Voilà donc un peu l'histoire de ce roman. Dominique qui traque de loin son acteur fétiche. Certes ce roman aborde donc le vaste problème de la vie rêvée, la vie numérique qui prends le pas sur la vie réelle. Il y a chez Domonique une réelle addiction à cette vie virtuelle qui s'installe progressivement. Au point qu'elle ne s'intéresse plus, ou pas assez, aux êtres vivants qui l'entourent. C'est un sujet d'actualité, même si en France nous n'avons pas autant de reclus vivants dans leur monde imaginaire qu'il en existe au Japon. Mais la manière de le traiter m'a parfaitement ennuyé.  
Heureusement que l'écriture d'Isabelle Coudrier est toujours aussi enchanteresse, et me plaît toujours autant, sans quoi j'aurais abandonné bien avant la fin...

vendredi 21 octobre 2016

Dans le désordre

Dans le désordre, Marion Brunet
Sarbacane, collection Exprim'
256p.
A partir de 14 ans.
Sortie en janvier 2016.

Et bim. Voilà une lecture qui m'a mise KO. Un roman qui m'a bouleversé. Ce matin, avant de partir travailler, j'ai lu quelques pages. J'avais un peu de temps. Et puis j'ai dû m'arrêter. A un passage totalement émouvant, prenant aux tripes. Et j'ai passé ma journée de travail un peu ailleurs, à attendre la fin de ma journée pour reprendre ma lecture. Basile, Marc, Jeanne, Tonio, Alisson, Jules, Lucie. Sept personnages, tous plus réels les uns que les autres. Tous plus blessés, plus à vifs. Qui se demandent sans cesse où ils iront après, une fois qu'ils seront chassés de leur nouveau squat. Et Basile qui répond, invariablement "Après... on ira ailleurs." Ils y sont ailleurs. Ils sont en moi, pour un long moment je pense.

Ce roman est fort, puissant. Il remue. Il fait trembler toutes nos fondations, il fait trembler le corps, le cœur, les murs... Il nous entraîne dans des montagnes russes émotionnelles. Des moments de réflexions intense sur notre société et les combats à mener. Après le 14 Juillet d'Eric Vuillard, voilà un roman bien puissant sur les luttes actuelles. 
Ce roman parle, en effet, de 7 personnes, qui se rencontrent lors d'une manif. Dans le désordre et le chaos de la charge policière, ils vont unir leurs colères, leurs réflexion, leurs destins. Chacun a ses raisons, mais tous sont d'accord. Il faut changer le monde dans lequel on vit. Et cela ne peut se faire sans lutte, sans sacrifice. 

"Mais la faction Armée Rouge du Berlin sauvage et résolument en guerre l'a toujours fasciné. Une époque qu'il aurait aimé vivre, où les luttes avaient un sens et se jouaient sans concessions. Aujourd'hui, tout s'est ramolli, tout est trop confortable. Même les plus révoltés se laissent coincer par la dernière saison de Breaking Bad et un pack de bières à la vodka. Même lui. Il n'est pas meilleur qu'un autre, il le sait. L'insurrection demande une vraie abnégation, la foi n'est pas un chemin facile."

Se battre et difficile. Et pourtant ils y croient tous. Ils continuent d'avoir l'espoir dans un monde plus juste, plus égalitaire, plus coopératif. Et ensemble ils cherchent la voie. Ils sont nombreux dans le monde comme eux. Nombreux à vouloir changer les choses chacun à sa manière.
"De l'extrême gauche pacifiste aux autonomes anarchistes des Black Blocs, tous ont le même but aujourd'hui: dire qu'ils existent, qu'ils refusent le nouvel ordre mondial, le capitalisme au visage immonde. Des mains trempées dans la peinture blanche s'ouvrent vers le ciel, vers les caméras fixées sur les hélicoptères tournoyant au dessus de la foule. Des doigts se tendent, dérisoires insultes, cris de vindicte -et des poings serrés par milliers. No pasaran! Le cri prend forme à mesure que les voix s'accordent dans une même scansion. No pasaran! Mais ils sont déjà passés depuis longtemps, arguments économiques en étendard, appauvrissement et déculturation en arme de pointe -combat sournois, gagné d'avance."

Et au cœur de toute cette révolte, de tout ce tumulte, de tout ce désordre, Jeanne et Basile s'aiment. Un amour fou et solaire. Un amour plein de promesses et d'avenirs dans une société qui ne semble pas en donner beaucoup.

L'écriture y est vive, incisive, franche. Comme l'histoire. Il y a de réels passages de poésie, et des moments de colère brute.
C'est un roman réellement beau, puissant, et fort que nous offre Marion Brunet.
Je pense que ses personnages, son histoire, et ses réflexions resteront en moi pendant longtemps. 
Il y avait déjà un peu de moi dans le roman, normal que le roman ait tellement laissé en moi....
A mettre entre toutes les mains!


"Amasser du fric ne l'intéresse pas. Etre propriétaire, pas plus. Les fringues, les choses neuves, les iPhones, il s'en tape. En ce sens, la vie qu'ils inventent lui convient. Mais un peu plus de pognon pour offrir des vacances à sa mère... La voir vivre dans un quartier plus sympa. Emmener Jeanne en voyage..."

lundi 17 octobre 2016

Station Eleven

En cette rentrée littéraire 2016, les éditions Rivages nous offre le 4ème roman d'Emily St. John Mandel, le magnifique Station Eleven.

On pourrait croire au premier abord qu'il s'agit d'un livre de pure Science-Fiction. Nous sommes en Amérique du Nord. La civilisation s'est totalement effondrée suite à une pandémie mondiale foudroyante. Et dans ce paysage post apocalyptique, un petit groupe nomade, voyage sur les routes désertes, de microcosme de survivants en microcosme, pour jouer du Shakespeare. Cette troupe qui considère que "Survivre ne suffit pas", apporte du théâtre, de la musique, et du rêve dans un monde qui ne connait plus les arts. 
En parallèle des pérégrinations de la Symphonie Itinérante, nous suivons d'autres personnages, tous ayant connus de près ou de loin Arthur Leander. Acteur mort sur scène d'une crise cardiaque, alors qu'il interprétait le Roi Lear de Shakespeare, juste avant le début de la pandémie, et que le monde ne sombre dans le chaos.

L'auteur nous offre là un roman très beau et mélancolique. Elle y alterne les périodes, passant d'avant la pandémie à l'An 20, passant d'un personnage à un autre. Et pourtant tout se tient. Tout semble avoir sa place, dans un équilibre parfait.